Le peuple réclame un roi

Vous connaissez peut-être cette fable de La Fontaine intitulée “Les Grenouilles qui demandent un roi”. L’histoire se déroule ainsi : les grenouilles, lassées de leur autodétermination, décident de réclamer un roi. Jupiter, leur dieu, leur envoie alors un simple bout de bois qui, en tombant dans le lac, produit un grand bruit et impressionne les batraciens. Cependant, très rapidement, les grenouilles réalisent que ce roi n’a aucun pouvoir et qu’elles peuvent même l’utiliser comme un promontoire en grimpant dessus. Elles se plaignent alors à Jupiter, qui leur envoie une grue. Ce bel échassier les attrape toutes et les dévore. La morale de La Fontaine semble être claire : soyez prudents lorsque vous envisagez de changer de roi, que ce soit parce qu’il est trop doux ou trop sévère, car vous pourriez vous retrouver sous un régime bien pire que le précédent.
Je pense souvent à cette fable en lisant dans l’Ancien Testament l’histoire des Israélites qui demandent au prophète Samuel de leur désigner un roi. En effet, durant plusieurs siècles, le pays n’avait pas de véritable leader national, et les juges — ou les prophètes comme Samuel — avaient tendance à imposer une théocratie, un système où Dieu est la seule référence et où les religieux exercent le pouvoir. Mais ni l’anarchie ni la théocratie ne satisfont le peuple, qui désire imiter ce qui se fait chez d’autres nations. Une délégation d’anciens d’Israël se rend donc chez Samuel pour lui faire cette demande : « Voici, tu es vieux et tes fils ne sont pas dignes de te succéder. Établis sur nous un roi qui nous guide, comme il y en a chez toutes les autres nations ! »
Samuel accueille cette demande avec circonspection et même méfiance. Pour lui, c’est une idée qui semble mauvaise, bien que séduisante. Cependant, Samuel est également un démocrate et il écoute la voix du peuple. Il tente de dialoguer et avertit les anciens : « Un roi, ce n’est pas comme un leader religieux. Un roi va établir son pouvoir ; il aura une cour qu’il faudra entretenir, une armée qu’il faudra financer, et donc des impôts à payer. » Ses arguments sont pertinents et justes, mais le peuple, à l’image des grenouilles de la fable, insiste sur le fait qu’un roi est nécessaire pour unir la nation et se dresser face aux rois environnants. Samuel n’est pas convaincu et se tourne vers Dieu pour obtenir la clarté nécessaire. Dieu lui répond en le rassurant avec une formule du genre : « T’inquiète ! Ce n’est pas contre toi qu’ils se positionnent en demandant un roi ! C’est surtout moi qu’ils écartent ! Alors fais comme ils te le demandent et trouve-leur un roi ! »
Samuel se tourne donc vers le peuple et annonce : « Très bien, nous allons vers la royauté pour Israël. » Reste alors une question cruciale : comment initier une dynastie royale ? Faut-il organiser des joutes, des combats, des duels ou des élections ? Les anciens avaient dit à Samuel : « Établis sur nous un roi ! »
C’est donc Samuel qui va s’y coller !




