La pauvre veuve

Jésus est dans le Temple. Depuis trois jours, il y vient chaque jour et il ne se passe pas une journée sans qu’il se produise quelque chose d’important. Chargé de sens. Parfois, il faudra attendre des mois, voire des années, pour comprendre tout ce que Jésus dit ou provoque.
Au milieu des tensions de ces fameuses journées, il y a un moment tout en douceur et en observation. Jésus se place dans un endroit du Temple d’où il peut voir les personnes donner de leur argent dans un des troncs disposés un peu partout dans l’édifice. Il remarque que pas mal de gens donnent et même donnent beaucoup. L’évangéliste Marc qui racontent l’histoire, insiste sur les mots : « Beaucoup de riches donnent beaucoup ! » On pourrait en conclure que c’est trop bien ! Puis arrive une pauvre veuve. Là encore les mots sont rares mais précis : pauvre veuve ! Cela veut dire vraiment une personne vulnérable et sans rien. Or, Marc écrit qu’elle donne deux piécettes, c’est-à-dire quasi rien. En fait, elle donne les deux plus petites pièces de monnaie qui existent à l’époque. Aujourd’hui, on dirait deux centimes d’euro. Jésus appelle les disciples qui, sûrement, regardaient ailleurs. Il explique : « Je vous le déclare, c’est la vérité ! » – cette formule introduit toujours un enseignement important – donc, les disciples ouvrent grandes leurs oreilles et Jésus leur dit : « Cette veuve pauvre a mis dans le tronc plus que tous les autres. Tous ont donné de leur superflu, mais elle qui manque de tout, à donner tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre ! » Et la discussion s’arrête là. Brusquement. Sans conclusion. Sans leçon à tirer. Où est l’enseignement ? Beaucoup vont conclure que Jésus salue le beau geste de la pauvre veuve. Mais il dit, de trois façons, qu’elle
donne tout, alors qu’elle manque de tout et que c’est tout ce qu’elle a pour vivre ! Franchement, est-ce raisonnable ? Jésus félicite cette femme, ou est-il indigné ? Peut-il être satisfait qu’une pauvre femme s’appauvrisse pour un Temple dont il vient de dire qu’on en fait une caverne de voleurs ? N’a-t-il pas traité de voleur les prêtres ? Je pose la question, mais la réponse est écrite noir sur blanc juste quelques lignes avant que Marc ne parle de cette pauvre veuve. Jésus déclare : « Prenez garde aux religieux qui se promènent en beaux vêtements, qui cherchent les premières places. Ils dévorent la maison des veuves ! » Quelques minutes plus tard, il a sous les yeux la preuve de ce qu’il vient de dénoncer : les religieux font une telle pression sur les gens qu’une pauvre veuve se sent obligée de se dépouiller totalement pour le Temple.
Ce que je crois, c’est qu’ici, Jésus est révolté !



