L’invitée du jour — Octobre rose, comprendre le cancer du sein avec la docteure Zeineb Lounici

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L'invité du Jour
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L'invitée du jour — Octobre rose, comprendre le cancer du sein avec la docteure Zeineb Lounici
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Octobre Rose est une campagne de sensibilisation au cancer du sein, maladie qui peut être évitée si elle est détectée suffisamment tôt. La docteure Zeineb Lounici, sénologue et membre de la Ligue contre le cancer, nous donne les chiffres clés de cette maladie et nous explique en quoi la France fait figure de mauvaise élève par rapport à ses voisins européens.

Le cancer du sein, c’est 71 300 nouveaux cas par an et plus de 12 000 décès par an. Il représente la première cause de mortalité par cancer chez la femme. Néanmoins, il y a quand même une pointe d’optimisme, puisque l’on a 88 % de taux de survie à 5 ans. Donc, on peut soigner et même guérir le cancer du sein, à condition de pouvoir le détecter précocement. C’est tout l’intérêt du dépistage organisé.

La France est le champion européen des nouveaux cas de cancer. Comment l’explique-t-on ? En dehors des facteurs de risque scientifiquement prouvés, qui sont l’âge (le risque de cancer du sein augmentant avec l’âge) et le risque génétique, il existe des facteurs de risque en lien avec nos modes de vie, sur lesquels nous pouvons agir. Malheureusement, ces derniers ne font pas partie des politiques d’information et de sensibilisation au niveau du cancer du sein. Ces facteurs de risque liés à nos modes de vie sont, premièrement, la consommation d’alcool et de tabac, en augmentation dans la population féminine française. Un autre risque sur lequel nous n’agissons pas suffisamment est le surpoids, l’obésité et la sédentarité. On pense même que le travail de nuit des femmes, qui déséquilibre l’horloge biologique et augmente le risque de conduites addictives, a des effets délétères sur la santé des femmes. Si l’on agit sur ces facteurs de risque, on pourrait faire diminuer le nombre de cancers de 20 000 par an.

60 % des cancers du sein sont diagnostiqués à un stade précoce, élément primordial pour pouvoir en guérir. Pour détecter suffisamment tôt un cancer du sein, il est primordial de savoir reconnaître les signes qui doivent nous alerter.

En général, les cancers qu’on trouve dans le cadre du dépistage organisé n’ont pas de signes cliniques. Les autres cancers ont des signes cliniques variables et variés. Le plus courant, c’est une boule dans le sein. On peut également avoir une rougeur qui n’existait pas, une rétraction, un écoulement plutôt sanglant d’un sein. Quand on se palpe sous le bras, on a peut-être le sentiment d’avoir une boule aussi sous le bras. Je tiens également à rassurer les femmes : la douleur mammaire n’est pas en soi un signal d’alarme. Un cancer du sein peut donc ne pas avoir du tout de signes cliniques ou alors un corpus de signes cliniques qui sont en fait toutes modifications du sein qui n’existaient pas auparavant, dont l’évolution est rapide ou lente.

Le dépistage organisé est une véritable intervention de santé publique qui est très bien faite en France. La mammographie est réalisée dans un premier temps et, lorsqu’elle est normale, un autre radiologue va encore la regarder. Grâce à cette deuxième lecture, on arrive à détecter à peu près 5 % voire 10 % de cancers, mais qui restent des cancers de petite taille et qui sont parfaitement accessibles à un traitement curatif. On les guérit avec moins de moyens thérapeutiques, en général sans chimiothérapie. Le dépistage organisé est gratuit, mais il a malheureusement un taux de participation en France qui plafonne difficilement autour de 50 %. Pour diminuer la mortalité par cancer de 30 %, il faudrait que ce taux de participation soit autour de 70 %. Malheureusement, nous n’en sommes pas là.

Différents freins permettent d’expliquer que le dépistage du cancer du sein n’ait pas plus de succès aujourd’hui, dont notamment la peur de la maladie. Pourtant, le dépistage précoce est primordial, notamment pour les femmes de cinquante ans et plus.

Beaucoup de femmes ont peur de se faire dépister parce qu’elles craignent qu’au décours de ce dépistage, on leur annonce une mauvaise nouvelle qui est : « Madame, vous avez un cancer ». Je tiens à rassurer : dans plus de 95 % des mammographies réalisées dans le cadre du dépistage organisé, celles-ci sont normales. On découvre finalement un cancer dans un tout petit pourcentage des cas, mais en général, ce sont des petits cancers parfaitement accessibles à un traitement curatif. Un deuxième frein au dépistage du cancer du sein : beaucoup de femmes disent que la mammographie fait mal. Je voudrais m’inscrire en faux parce qu’aujourd’hui, nous avons des machines qui permettent une compression très lente et très progressive du sein. Il est normal de ressentir une gêne, mais la mammographie ne fait pas mal.

En France, le dépistage concerne les femmes de 50 à 74 ans, parce que l’incidence du cancer du sein augmente avec l’âge. Il est heureusement beaucoup plus rare avant 50 ans. Par contre, il est le plus fréquent à partir de 50 ans. On arrête à 74 ans parce qu’on pense que le bénéfice-risque du dépistage organisé est moindre. Ceci dit, au-delà de 74 ans, on continue de sensibiliser les femmes. L’âge étant un facteur de risque prouvé, continuez de vous faire dépister tous les 2 à 3 ans et, bien évidemment, si vous sentez la moindre anomalie, consultez.